Intervention de la Secrétaire générale : Reconfigurer les alliances, l’Amérique latine et les Caraïbes face à la nouvelle géopolitique et à l’économie mondiale
Avant tout, je remercie profondément l’invitation et la possibilité de participer à ce forum si important, surtout à un moment où le monde est confronté à des crises interconnectées et à un changement imminent dans la dynamique géopolitique, avec des effets déjà perceptibles sur les plans économique, social et environnemental.
Depuis l’Amérique latine et les Caraïbes, et en particulier depuis la Grande Caraïbe, nous observons ce panorama non seulement comme un ensemble de défis, mais aussi comme une fenêtre d’opportunités. Des opportunités pour construire des partenariats stratégiques qui renforcent notre résilience et nous permettent d’avancer vers un développement véritablement durable, sans compromettre notre souveraineté ni notre autonomie.
Face à une géopolitique mondiale marquée par les tensions, la région doit agir avec prudence, mais aussi avec pragmatisme. Nous sommes une région de paix dans un monde marqué par la confrontation, et cela constitue une force que nous devons préserver et projeter. À partir de là, nous pouvons attirer des investissements durables, encourager l’échange de connaissances et promouvoir des projets stratégiques qui génèrent une réelle valeur pour nos peuples. Tout cela avec un respect absolu de l’environnement, et en même temps, en renforçant nos industries, notre tourisme et notre culture.
Des partenariats uniques et stratégiques. Malgré les défis posés par un nouvel ordre géopolitique, c’est le moment de diversifier nos alliances et de revoir nos modèles de coopération depuis une perspective qui place au centre la dignité des personnes et la justice sociale. Il est urgent de miser sur des partenariats qui évitent de nouvelles formes de dépendance et de promouvoir des schémas de coopération Sud-Sud et triangulaire qui renforcent nos capacités, favorisent le transfert de connaissances et soutiennent des projets multi pays qui génèrent du bien-être.
Le potentiel de la Grande Caraïbe. Nous sommes une région unique. Comme je l’ai déjà dit, une région de paix, mais aussi riche en ressources naturelles et en diversité culturelle. Cette combinaison nous positionne comme un acteur stratégique sur la scène mondiale et comme un modèle de coexistence qui peut apporter des solutions face à la fragmentation mondiale. Aujourd’hui plus que jamais, le potentiel de la Grande Caraïbe doit être reconnu et soutenu.
L’aspiration au développement durable est une aspiration partagée et constitue également une nécessité urgente pour de nombreux pays de la Grande Caraïbe, où la résilience climatique et la justice environnementale ne sont pas seulement des priorités politiques, mais des questions de survie. Et cela, bien sûr, exige un investissement qui est non seulement rentable pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, mais aussi pour le monde.
Une alliance économique plus solide avec l’Europe peut renforcer la position mondiale de la région, élargir l’accès à la technologie et au capital, et réduire la dépendance à un seul partenaire extérieur, en posant les bases d’économies plus résilientes et diversifiées.
D’autre part, cette approche renouvelée de l’UE est une grande opportunité pour projeter les forces de notre grande région et élargir la coopération entre les régions. Cependant, il sera essentiel de parvenir à une formulation des termes de la relation qui réponde aux réalités et aux aspirations de l’Amérique latine et des Caraïbes, fondée sur la justice économique et la souveraineté, en laissant derrière nous les dynamiques obsolètes de dépendance qui, pendant trop longtemps, ont conditionné le rôle de l’Amérique latine et des Caraïbes dans l’économie mondiale.
Concernant le Traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Bien qu’il s’agisse d’un traité qui bénéficie à certains pays d’Amérique latine, un accord commercial de ce type, s’il s’accompagne d’engagements réels en faveur de la durabilité et des droits des communautés, peut contribuer à une transformation régionale qui ne reproduise pas des schémas de dépendance ni ne privilégie uniquement la rentabilité économique.
Des initiatives comme Global Gateway, qui mettent l’accent sur les valeurs démocratiques, la durabilité, la transparence et les avantages mutuels, constituent une opportunité de montrer comment un changement vers des partenariats plus stratégiques, qui dépassent les modèles traditionnels de commerce et d’assistance, peut s’orienter vers des solutions urgentes telles que l’énergie verte, la transformation numérique et l’inclusion sociale, qui définissent les lignes directrices pour transformer les dynamiques économiques mondiales et régionales.
Le monde connaît une série de transformations, et l’Amérique latine et les Caraïbes n’échappent pas à ces transformations. Sur le plan politique, ce que la région a cherché à faire, c’est de renforcer l’intégration, en renforçant le pouvoir de négociation collective dans le système international afin de relever des défis communs tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire et le commerce équitable. L’impact des changements mondiaux sur notre région dépendra de notre capacité à négocier dans l’unité, avec autonomie et avec une vision du développement centrée sur les personnes.
Sur le plan économique, la CEPAL a alerté notre région sur le « piège de la faible capacité de croissance », qui limite les possibilités de combler les écarts structurels. À cela s’ajoutent des défis tels que la croissance de l’informalité du travail, qui touche particulièrement les jeunes, les femmes et les communautés rurales, ou les effets persistants de la pandémie et des phénomènes climatiques extrêmes, qui n’ont fait qu’aggraver les inégalités structurelles et la pauvreté dans plusieurs pays de la région.
Face à ce panorama, la clé pour reconfigurer les alliances est de penser à de nouvelles dynamiques qui permettent une croissance inclusive et la réduction des écarts d’inégalité. Une condition indispensable est que ces alliances permettent de sortir de l’endettement agressif. Il est urgent de ne pas retomber dans des politiques commerciales protectionnistes, qui proviennent généralement du Nord, et de rechercher la diversification des alliances et de renforcer la coopération Sud-Sud.
Dans ce sens, il sera également important de tirer parti de stratégies telles que le friendshoring, le nearshoring et les partenariats public-privé pour poursuivre le chemin vers la récupération de la souveraineté économique, attirer des investissements durables et générer davantage et de meilleurs emplois. La région doit tirer parti de ces stratégies pour construire des économies plus justes et résilientes.
L’Amérique latine et les Caraïbes entretiennent des relations dynamiques avec de multiples acteurs mondiaux. Et il ne pourrait en être autrement dans un contexte de mondialisation. Les risques de ces relations sont nombreux, sans aucun doute, mais ils peuvent être réduits si l’on a clairement à l’esprit l’objectif de construire des relations fondées sur le respect mutuel et le respect de la souveraineté. Cependant, ces relations représentent aussi de nombreuses opportunités. Cette région a un grand potentiel, ce qui lui permet de miser sur plus et de meilleurs partenariats pour construire des relations économiques diverses et stratégiques, qui répondent à nos propres priorités de développement durable.
Concernant les contextes électoraux, notamment celui d’un pays comme les États-Unis, il est clair qu’ils ont des implications. Cependant, cette région est convaincue que l’intégration, la diplomatie et le multilatéralisme doivent être la réponse. Nous ne pouvons pas continuer dans la logique d’un monde unipolaire, il est clair que nous avançons vers une nouvelle gouvernance mondiale qui suppose un réajustement vers la multipolarité. C’est à partir de là que nous devons faire face aux impacts.
Dans ce sens, des initiatives telles que le Forum CELAC–Chine se sont consolidées comme une plateforme clé pour le dialogue politique et la coopération intégrale, renforçant le multilatéralisme comme outil pour répondre aux défis changeants de la région. La relation avec la Chine a offert des opportunités importantes, notamment à travers des initiatives telles que la Ceinture et la Route, qui a facilité des investissements non seulement dans les infrastructures physiques, mais aussi dans la coopération numérique, énergétique, éducative, financière et en matière de connectivité culturelle.
Je voudrais souligner que ce que nous ne devons pas perdre de vue, c’est que le présent et l’avenir de cette région importante du monde ne peuvent pas être déterminés par les changements politiques dans un pays, aussi important soit-il, ou par les tensions entre grandes puissances, mais bien par sa capacité à construire des alliances stratégiques, qui promeuvent un projet de développement durable propre centré sur les personnes, l’égalité, le respect des droits humains et le bien-être. Depuis l’AEC, nous réitérons notre engagement en faveur d’une diplomatie efficace, qui contribue à une architecture internationale plus juste et plus coopérative.
L’intégration régionale n’est pas seulement une option technique ou économique, mais une décision profondément politique et stratégique, et elle est plus nécessaire que jamais. Pour l’Amérique latine et les Caraïbes, elle représente la possibilité réelle de construire une souveraineté collective, une plus grande résilience et un développement centré sur la vie et la dignité des personnes.
Et c’est dans cette voie que nous avançons. Des mécanismes tels que la CELAC, la CARICOM, le SICA, le SELA et l’AEC ont démontré que la coopération régionale n’est pas seulement possible, mais qu’elle produit des résultats. Dans un contexte de fragmentation économique et de tensions mondiales, renforcer nos liens et nos efforts collectifs pour construire une région plus cohésive, résiliente et dotée d’une capacité d’incidence internationale est notre outil le plus puissant.
Et avec une capacité d’incidence internationale, c’est notre outil le plus puissant. Le Grand Caraïbe, par sa diversité, sa vocation de paix et son immense potentiel en ressources naturelles et culturelles, représente un modèle concret de coopération en action. Cette année, la Colombie accueillera le Sommet des Cheffes et Chefs d’État du Grand Caraïbe, sous le slogan : « Unis pour la Vie, pour le Développement Durable du Grand Caraïbe », un appel clair à projeter, depuis le Grand Caraïbe, une vision partagée de l’avenir pour toute l’Amérique latine et le monde.
Depuis l’AEC, nous croyons que la diplomatie et le multilatéralisme ne peuvent plus rester un exercice rhétorique éloigné de la réalité de nos peuples. Les populations ne mesurent pas le succès de ces efforts à travers des communiqués ou des accords signés, mais par l’amélioration tangible de leurs conditions de vie. C’est pourquoi nous réaffirmons notre engagement à démontrer que la diplomatie et le multilatéralisme demeurent des outils puissants pour changer le monde, pour faire face aux défis mondiaux à travers la coopération, la solidarité et la coresponsabilité.
Notre région a une voix, elle a des propositions et elle a une trajectoire qui la positionne comme un acteur clé pour contribuer à une gouvernance internationale plus juste.
Merci beaucoup.
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