L'établissement de la Sous-Commission des Sargasses de l'AEC : Vers une approche coordonnée et intégrée de la gestion des sargasses dans la Grande Caraïbe

Fonction : Damiens Nicolas, Chargé d’appui à la Sous-Commission des Sargasses |Commission de la Mer des Caraïbes. 

1. Tirer parti des mécanismes régionaux de gestion des sargasses

Les 1er et 2 octobre, à la Grenade, l'AEC a représenté ses membres lors de la 2ᵉ Conférence de la Passerelle mondiale UE-Caraïbes sur les sargasses, qui a mis en avant l’un des défis environnementaux majeurs auquel la région est confronté. Depuis 2011, la prolifération des sargasses dans la région de la Grande Caraïbe a été reconnue comme une crise[1] menaçant le tourisme, la pêche, la santé publique et la biodiversité marine - elle sape le tissu même et la durabilité de nos moyens de subsistance, des communautés côtières et des écosystèmes. Avec des variations de gravité et de fréquence, la crise des sargasses est intrinsèquement transfrontalière. L'objectif était de créer un lien entre la gestion durable des sargasses et les opportunités économiques qu’elles offrent dans le bassin caribéen. L’événement a également permis à l’AEC de présenter la mise en place d’un nouveau dispositif de coopération au sein de la Commission de la mer des Caraïbes : la Sous-Commission des Sargasses.

En tant que risque émergent lié au changement climatique, elle offre aux organismes de coopération régionale l'occasion de redéfinir le cadre de la gouvernance des océans dans la Grande Caraïbe[2]. Plusieurs parties prenantes, dont le Premier ministre de la Grenade Dickon Mitchell[3], ont souligné le rôle des organisations régionales dans la coordination des différents niveaux de gestion des sargasses. En particulier, la nécessité d'un secrétariat régional sur les sargasses et d'un centre d'information sur les sargasses a été soulignée, afin de centraliser la coordination de l'élaboration des politiques publiques, de la recherche et de la gestion durable dans l'ensemble de la région. 

Dans la déclaration d'Antigua Guatemala, l'AEC a été chargée d’élaborer le mandat des Nations unies pour étudier la désignation de la mer des Caraïbes comme zone spéciale dans le contexte du développement durable. La Commission de la mer des Caraïbes(CMC) vise à relever les défis de la gouvernance transfrontalière et à favoriser un cadre qui soutient les politiques régionales en matière de sargasses. 

À cet égard, la gestion des sargasses a été priorisée dans le Plan d'action 2022-2028 de l'AEC et reconnue comme une question urgente dans le cadre de la réduction des risques de catastrophes (RRC). Lors de la 27ème réunion ordinaire du Conseil ministériel en mai 2024, la création et l'opérationnalisation d'une Sous-Commission des Sargasses (SCS) ont été approuvées, marquant une avancée significative dans le traitement de la crise du sargassum au niveau régional.

Dans le cadre du processus de mise en œuvre de la Sous-Commission des Sargasses, l'AEC a lancé un appel officiel à candidatures pour le 26 septembre 2024. Les États membres de l'AEC ont jusqu'au 25 octobre 2024 pour nommer jusqu'à deux experts en la matière pour siéger à la SCS, renforçant ainsi le mandat de la Commission de la Mer des Caraïbes pour favoriser une réponse régionale coordonnée aux sargasses.

La nécessité d'une approche régionale de la gestion des sargasses a été identifiée pour la première fois par la Commission de la mer des Caraïbes (CMC) lors de son symposium de 2015 sur la durabilité de la mer des Caraïbes. Le symposium a souligné les risques posés par les sargasses et a mis l'accent sur la nécessité d'une stratégie cohérente à travers la région. Depuis lors, diverses initiatives ont vu le jour, mais l'obtention d'une réponse pleinement concertée et unifiée demeure un défi.

La sous-commission Sargassum de la Commission de la Mer des Caraïbes agira en tant qu'organe consultatif pour harmoniser les normes et les meilleures pratiques à travers la région, dans le but de rationaliser et de coordonner les politiques de gestion des sargasses parmi les parties prenantes régionales. Bien que des groupes de travail locaux et des forums de collaboration tels que le Sargassum Information Hub[1], le CAR-SPAW[2] et le Sarg’Coop Cluster[3] aient été mis en place, il est nécessaire d'élaborer une politique régionale unifiée pour la gestion des sargasses.

Les cadres d’action en matière de gestion des sargasses sont régionalement contrastés[4]. Des pays comme la Barbade, le Mexique et la République dominicaine sont à la pointe des efforts de valorisation des sargasses, tandis que des territoires comme la Martinique et la Guadeloupe se concentrent sur la gestion des sargasses en tant que problème de santé publique et de sécurité environnementale. Cela souligne la complexité de la gestion des sargasses, qui nécessite une approche multidimensionnelle et collaborative des risques environnementaux, sanitaires, économiques et sociaux.

Dans ce contexte, la Sous-Commission des Sargasses est conçue pour faciliter le dialogue entre les décideurs, les chercheurs et les parties prenantes. Elle a pour objectif d'harmoniser les différents points de vue sur les risques et les opportunités liés à la sargasse, en établissant une norme commune pour sa gestion durable et le développement d’une chaîne de valeur internationale. En encourageant la collaboration, la sous-commission cherche à développer des stratégies régionales et à mettre en œuvre des projets qui atténuent les impacts de la sargasse sur les écosystèmes côtiers, les communautés et les industries dans l'ensemble de la Grande Caraïbe.

Plusieurs priorités clés ont été identifiées pour faire progresser une approche intégrée de la gestion des sargasses. Il s'agit notamment de l'élaboration d'un plan d'action régional global, de l'alignement des stratégies sur les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et sur l'agenda de l'économie bleue, et du plaidoyer en faveur de la coopération et du financement internationaux. En outre, la Sous-Commission évaluera le statut biologique et juridique des efflorescences de sargasses afin d'améliorer la coordination entre les décideurs politiques, les scientifiques et les acteurs privés.

3. Perspectives futures pour la gestion des sargasses

En somme, les sargasses en tant que menace émergente liée au changement climatique, donnent l’opportunité de favoriser une solidarité entre les organisations interrégionales de la Grande Caraïbe.La Sous-Commission sur les Sargasses marque une étape clé vers une gestion coordonnée, durable et intégrée des sargasses. Avec pour objectif de devenir pleinement opérationnelle d'ici le premier trimestre 2025, la sous-commission cherche à traduire la coopération régionale en projets ciblés qui abordent les impacts écologiques, sociaux et économiques de la sargasse tout en débloquant de nouvelles opportunités pour le développement durable.