Les Départements français d’Outremer, la coopération et le processus de prévention des risques majeurs dans les Caraïbes

Les Départements français d’Outremer, la coopération et le processus de prévention des risques majeurs dans les Caraïbes

L’hétérogénéité des territoires est la caractéristique majeure de la région des Caraïbes avec des structures juridiques et politiques diverses, des différences culturelles et linguistiques (le hollandais, l’anglais, le français et l’espagnol), un développement socioéconomique disparate, mesuré par un Indice de Développement humain (IDH) allant de 0,471 pour Haïti à 0,850 et 0,858 pour la Guadeloupe et la Martinique respectivement. Toutefois, que ce soit les Petits États insulaires en Développement (PEID) indépendants ou les territoires non indépendants des nations européennes (français et néerlandais), les territoires régionaux ont plusieurs problèmes communs notamment en termes de vulnérabilité aux risques naturels et de faible connectivité.

 

En dépit des vulnérabilités similaires, des priorités convergentes et des efforts des différentes parties régionales, la coopération entre les territoires des Caraïbes non membres de l’UE et les régions françaises de la zone reste inférieure à son potentiel. Ces actions s’efforcent, non sans difficulté, de mener à la création de pratiques communes susceptibles de contribuer à l’intégration efficace des Départements français d’Amérique (DFA). Cette difficulté s’explique en partie par le manque de connaissances mutuelles et les difficultés pour identifier les acteurs et initiatives à différents niveaux du secteur public français, notamment en matière de prévention et de gestion des risques naturels. Cet article présentera brièvement certains acteurs et outils prédominants de l’approche française de la prévention des risques majeurs, pour ensuite discuter certains projets soutenus par le Programme interrégional européen (INTERREG).

 

Les structures publiques françaises de gestion des risques naturels majeurs couvrent différents niveaux de décision et d’intervention. Ainsi, la prévention des risques majeurs est une activité qui implique plusieurs ministères, autorités locales et agences gouvernementales. Les Ministères du Développement durable, de l’Agriculture, de l’Éducation et de la Recherche interviennent dans le domaine des informations en matière de sécurité, de la surveillance, de l’éducation publique, de l’atténuation et gestion des risques, tandis que le Ministère de l’Intérieur est compétent pour la préparation et la gestion des crises. Dans le cadre de ces composantes et à l’échelle territoriale de chaque DFA, les deux principaux acteurs en matière d’intervention en cas de catastrophes sont les Préfets des communes, responsables de la mise en œuvre locale des politiques de l’État et les Maires de chacune des 32, 34 et 22 municipalités en Guadeloupe, Martinique et Guyane respectivement.

 

Chaque préfet des communes établit un Dossier départemental des Risques majeurs, qui informe les villes sur les risques existants et leurs conséquences pour la population, la propriété et l’environnement et énumère aussi le plan spécifique pour la prévention des risques prévisibles, ainsi que l’intervention des industries. Le préfet des communes est aussi responsable d’une intervention de protection civile qui établit l’organisation générale de toute intervention de secours et identifie l’ensemble des entités publiques et privées susceptibles d’être déployées en fonction des risques qui existent dans chaque département. Un service interdépartemental de protection civile, responsable d’aider dans la gestion des risques et crises à travers toutes les trois phases (prévention, opérationnelle et post-crise), soutient les actions du Préfet des Communes conjointement avec les forces armées, autorités locales et autres agences.

 

Au niveau local, le maire, compétent pour l’aménagement urbain et la sécurité, informe la population sur les risques de catastrophes et organise des actions de premiers secours d’urgence en cas de crise. À cet effet, il établit des outils comme le Dossier d’Information communal sur les Risques majeurs pour la Prévention des Risques naturels prévisibles et un Plan communal de Sauvegarde, comportant les ressources locales dont dispose la ville en cas d’événement majeur, comme les services de secours et les organisations caritatives.

Aux côtés de ces acteurs du maintien de l’ordre, les autorités locales jouent un rôle crucial dans la gestion des ressources déployées pour la prévention des catastrophes. Par exemple, à la Martinique, dans le cadre du Plan Séisme Antilles (PSA) développé par la France, aussi bien le Conseil régional que le Conseil général contribue à la résistance des écoles en cas de risque géologique majeur. Le plan récemment approuvé du Conseil général pour le renforcement sismique des bâtiments a permis la rénovation des collèges les plus endommagés par le tremblement de terre de 2007. En outre, en mettant en place des politiques d’investissements et en offrant un financement pour équiper des salles de classe sélectionnées de pupitres parasismiques développés localement, ces autorités locales font du PSA un outil aussi bien d’atténuation que pour de redressement économique.

La compétence, l’expérience et l’expertise des divers acteurs français à tous les niveaux d’intervention permettent d’envisager différentes formes de partage et de soutien au pays voisins. Les instruments de coopération régionale, tels le Fonds de Coopération régionale ou les Programmes opérationnels d’INTERREG (PO) pour l’Amazonie (Brésil, Suriname et Guyana) et les Caraïbes sont destinés à renforcer la coopération et l’échange d’expériences à travers des initiatives conjointes à l’échelle territoriale appropriée.

 

Le PO 2007/2013 INTERREG Caraïbes identifie la prévention des risques naturels comme une priorité en soutenant les actions liées à l’identification des risques, la gestion et la planification des risques, la préparation, la prévention, l’information et l’éducation publiques. Dans le cadre des deux dernières composantes, plusieurs entités au sein des territoires français ont été soutenues dans leur préparation aux catastrophes naturelles ; que ce soit à travers l’amélioration et l’harmonisation des protocoles de réponse ou la formation de personnes dans les communautés vulnérables et isolées pour servir d’équipes d’intervention locales.

 

La surveillance est une autre composante majeure du soutien d’INTERREG à travers des initiatives telles que TSUNAHOULE et TSUAREG. La première englobe la modélisation numérique des risques maritimes naturels dans les Caraïbes et la deuxième prévoit l’acquisition et installation d’équipements pour fournir aux autorités locales des informations sur les tremblements de terre et les tsunamis provenant des organisations scientifiques. Enfin le projet CARIB RISK CLUSTER crée une base solide pour la coopération technique à partir de la rétroaction concernant les meilleures pratiques et solutions.

 

Un des projets que poursuit actuellement l’AEC en collaboration avec les DFA est la mise en place d’un diplôme certifié de gestion des catastrophes et de prévention des risques, reconnu aussi bien dans l’Union européenne que dans les Caraïbes. Cela permettra d’améliorer les compétences des professionnels régionaux de la gestion des catastrophes, tout en facilitant le partage de meilleures pratiques de points de vue distincts.

 

Comme suite à la XIXe Réunion du Conseil des ministres de l’AEC, la coopération entre les territoires français d’outremer et le reste des Caraïbes entre désormais dans une nouvelle ère, avec l’approbation de la demande des territoires de Martinique et de Guadeloupe pour devenir membres associés en leur nom propre. Nonobstant ce changement, la France continuera à être membre associé, représentant les intérêts de Saint-Martin, de la Guyane et de Saint-Bartholomé. 

 

Dans le cadre du programme de coopération régionale, l’AEC vise à continuer à construire des ponts avec les territoires français, en profitant pleinement du grand potentiel de collaboration dans le domaine de la réduction des catastrophes naturelles.

 

 

George Nicholson est le Directeur de la Réduction des Risques de Catastrophes et Sabine Louis-Gustave est la Conseillère de la Direction de la Réduction des Risques de Catastrophes de l’AEC. Les correspondances ou commentaires éventuels peuvent être adressés à feedback@acs-aec.org